Emma, Octavie BERTINI (1861-1950), ma grand-mère paternelle

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Son ascendance paternelle, coté BERTINI

Son père Henri Gabriel BERTINI, était un fils de Henri Jérome BERTINI, le compositeur. Il a été évoqué dans l’article : La famille des BERTINI, nés BERTIN, musiciens

Le portait de son père Henri Gabriel, tronait dans le bureau de mon grand-père et qui devint celui de mon père.

Son ascendance maternelle, coté BUISSON

Sa mère, Félicie BUISSON était la fille de Charles BUISSON, notaire à Grenoble.

Félicie BUISSON a épousé Henri-Gabriel BERTINI, le 27 décembre 1855, à La Tronche.

Ils ont eu 2 enfants :

  • Charles, Henri, né en 1856
  • Emma, Octavie est née le 8 Novembre 1861

L’origine du prénom Emma

La grand-mère de Emma, Octavie, s’appelait Cléméntine, Emma d’Anne de Saint Romain, 2 ème épouse de Henri Jérome BERTINI,

La tante de Emma, Octavie, soeur jumelle de son père, s’appelait Emma, Isabelle. Elle est décédée peu de temps après la naissance.

Emma est un prénom très courant actuellement. Dans la famille BRESSE, ma soeur ainée, Germaine, veut se faire appeler Emma.

Le mariage de Emma BERTINI avec mon grand père Francis BRESSE

Il s’est effectué le 14 Juin 1886 à La Tronche (38)

Emma BERTINI et Francis BRESSE au moment de leur mariage

Emma avait alors 24 ans et 6 mois, mon grand-père 25 ans et 5 mois

Emma BERTINI et sa mère Félicie BUISSON au moment de leur mariage

La descendance avec mon grand-père Francis BRESSE (voir article : Mon grand-père : Louis François, dit Francis BRESSE (1 ère partie)

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Mon grand-père, avec les 5 enfants : de gauche à droite : Paul, Jean, Françoise, Emma BERTINI, Madeleine, Henri, Antoinette BRUNET, la mère de mon grand-père et mon grand-père (photo prise vers 1895)

Les 5 enfants, avec de gauche à droite : Françoise, Jean, Paul, Henri, Madeleine. (Photo colorisée par Jean-Claude FINAND)

La descendance avec Francis BRESSE

Françoise (1887-1860), qui a épousé Paul SAUTREAUX (1885-1928), médecin

Henri, Octave (1888-1915), ingénieur des Mines, qui a été tué pendant la guerre de 14-18, le 15 Mai 1915

Louise, Madeleine, dite Madeleine (1889-1981) qui a épousé Pierre GARDON (1884-1979) Juge de Paix

Paul, Eugène (1891-1973) architecte qui a épousé Antoinette, Marie ODIER-MECKLING (1915-1983)

Jean, Louis, Félix, Gabriel, (1894-1982) mon père qui a épousé Madeleine, Marie SEVE (1903-1943), puis Suzanne, Elisabeth HENRY (1911- 2000), ma mère.

Emma BERTINI devient grand-mère

Son premier enfant, Françoise, Antoinette, Emma BRESSE, est née le 1 er Avril 1887. Elle a épousé Paul SAUTREAUX, médecin, le 19 décembre 1911. C’était ma tante Françoise qui vivait à la maison familiale de Vienne après le déces de son mari, en 1928. Je l’ai bien connu jusqu’à son décés en 1960.

Ma tante Françoise a eu son premier enfant, Renée, le 16 Mars 1913. Elle devint religieuse, carmélite, à Fourvière à Lyon.

Emma BERTNI, qui tient dans ses bras, Renée la fille de ma tante Françoise (à droite), au fond, ma tante Madeleine, à Saint Marcel. (Crédit Photo Paul BRESSE)

Emma BERTINI, pendant la guerre de 1914-1918

Emma a eu 3 fils qui ont été concernés par la guerre.

Henri-Octave (1888-1915), était ingénieur des Mines, en 1911. Il a fait son service militaire dans l’Artillerie, entre le 1er Octobre 1911 et le 1 er Octobre 1913.

Il a été mobilisé, lieutenant au 1er Régiment d’Artillerie Lourde, responsable d’un canon à courte distance des lignes de front. Il a été tué le 12 Mai 1915, par un éclat d’obus, au Mont Saint Eloi, où il est enterré.

=> Pour elle, cela a été une rude épreuve. Elle a pu se recueillir sur le caveau familial où il y a une plaque en bronze avec un portrait de Henri Octave.

Paul, Eugène (1891-1973), était handicapé par de la surdité. Il a été réformé.
Un hôpital militaire a été créé à Vienne, et Paul est devenu infirmier ou aide-soignant pendant la guerre.

Jean, Louis, Félix, Gabriel (1894-1982) mon père, a passé le concours de Saint Cyr en 1914, mais n’a pas été admis.
Il est parti comme simple soldat à la guerre le 3 Septembre 1914, avec le 99 ème régiment d’infanterie. Il est devenu caporal, le 17 Mai 1915.

Correspondance de mon père avec ses parents et en particulier sa mère

Mon père a écrit ses mémoires de la guerre de 14-18 : elles ont été numérisés et sont disponibles sur le site de Europeana.com. Le lien qui permet de les visualiser ou de les télécharger est le suivant : https://www.europeana.eu/fr/item/2020601/https___1914_1918_europeana_eu_contributions_9573

Pendant toute la guerre, il a correspondu avec ses parents et en particulier sa mère.

Jean BRESSE, caporal, en 1915. (Crédit Photo Paul BRESSE)

 

Voilà ce qu’il a écrit par exemple, le 14 décembre 1914.

Pour voir  l’image en grand cliquez dessus pour qu’elle s’ouvre dans un nouvel onglethttps://famille.bres.se/wp-content/uploads/2023/07/BRESSE_Jean_Lettre_14_12_1914_b.jpg

Il a aussi écrit des lettres à ses frères et soeurs. Il a écrit au moins 700 lettres que je possède. Par contre, je ne possède pas les lettres de sa mère, père, frères et soeurs.

Ces lettres où mon père décrivait tous les endroits où il a fait la guerre lui ont servi pour rédiger ses mémoires, 80 ans  : « Souvenirs de 4 années de Guerre 1914-1918 » que j’ai fait numériser et qui sont maintenant disponibles sur Internet :

https://www.europeana.eu/fr/item/2020601/https___1914_1918_europeana_eu_contributions_9573_attachments_108060

Après le décès de son frère Henry, le 15 Mai 1915, il a écrit à son père et à sa mère

Pour voir  l’image en grand cliquez dessus pour qu’elle s’ouvre dans un nouvel ongletIl était vraiment sur le coup de l’émotion. Plus tard lors d’une attaque, où il avait blessé un officier allemand qui a été prisonnier, il a pris de ses nouvelles régulièrement.

Quelle a été sa vie jusqu’à son décès ?

Comme il a été dit par son frère Charles Henri (voir article précédent)

Crédit Photo : Paul BRESSE

Toute sa vie, elle s’est occupée de ses enfants et petits enfants.

Elle s’est occupée du fonctionnement de la maison de Saint Marcel, mais elle était aidée par du personnel. Il y avait aussi des commodités qui servait aussi au personnel. Par exemple, une cuisine toute équipée avec des lumières qui s’allumaient pour les domestiques si quelqu’un appelait depuis une chambre.

En souvenir, elle avait gardé le piano à queue de son grand-père, Henri Jérome BERTINI, le compositeur. Je ne sait pas si en jouait. Ce piano était dans la pièce salle à manger / salon. Quand mon père a repris la maison, il n’était pas musicien et aucun de mes frères et soeur n’en jouait. Comme le piano occupait beaucoup de place, il n’a pas juger utile de le garder, et il a été vendu.

Voir aussi le descriptif de la maison de Saint Marcel dans l’article précédent.

Puis est arrivée la guerre de 1940.

Mon père, Jean a été nommé Intendant militaire de 2e classe le 1er septembre 1939, à Paris et vivait à Viroflay. Puis il a fait partie des troupes du Maroc , et envoyé à Taza le 10 janvier 1942 jusqu’à son retour Marseille le 6 février 1945. Puis il était Intendant militaire de 1ère classe, responsable de l’Habillement à Paris le 30 mars 1945, jusqu’à ce qu’il soit rayé des cadres le 1er avril 1946, où il a pris sa retraite comme Général de Brigade.

Mon oncle Paul, vivait à Paris. Compte-tenu de sa surdité, il ne fut pas mobilisé.

Ma tante Françoise a eu 4 enfants qui ont vécu : Renée (1913- 2004), Léonie (Paulette) (1916-2000), François (1920-1995), Claude (1924-2000). Elle a perdu son mari Paul SAUTREAUX, en 1928. Elle avait encore des enfants en cours d’étude.

Mon grand-père, Francis, est décédé le 9 Octobre 1941.

Lorsque mon père a été rayé des cadres en Avril 1946, il s’est installé dans une maison à Francheville, près de Lyon. Il est venu à Vienne, où la situation n’était pas très reluisante, où ma grand-mère vivait seule.

Il s’est alors occupé de la succession de mon grand-père, en particulier pour le partage de la propriéte de Saint Marcel.

Comme mon père pour sa retraite voulait reprendre la propriété de 4 hectares, qui était essentiellement en vigne et qu’il voulait transformer en verger, il est devenu proprétaire d’une partie des terrains. La maison a été coupée en deux :

  • La maison principale avec l’entrée pricipale est devenue la propriété de ma tante Madeleine. Mon père l’a loué jusqu’à son décès.
  • La partie du haut de la maison qui avait une entrée séparée, est devenue la propriété de la tante Françoise qu’elle habitée jusqu’à son décés en 1960. Je l’ai bien connue. Elle venait souvent manger avec nous

Une autre partie des terrains a été donnée à mon oncle Paul, mais il n’a pas voulu les garder et les a vendu à Claude, dernier fils de ma tante Françoise.

Comment ma grand-mère a terminée sa vie ?

Le temps que la succession se fasse, nous n’avons déménagé à Vienne que vers 1950. A l’époque, ma grand-mère avait des dificultés pour marcher. Mon père lui a trouvé une maison de retraite à Saint Jean de Bournay, pas très loin du village natal des BRESSE.

Elle a eu la maladie d’alzheimer. Quand mon père allait la voir, elle ne le reconnaissait pas. Elle disait : « je n’ai jamais eu de fils Jean »

Elle est décédée le 18 Avril 1950.

Paul BRESSE, 3ème partie : sa carrière d’architecte

Paul BRESSE    26 février 1891 – 19 juillet 1973

Par Corinne MOLLIET-BRESSE sa fille cadette, Mai 2021

Pour relater la carrière de mon père Paul BRESSE, je me suis basée sur le Curriculum Vitae qu’il a rédigé, les plans et photos de ses réalisations que je possède, et aussi sur les articles parus dans la presse.

Vers l’âge de 30 ans, Paul est en possession de son diplôme d’architecte-archéologue-urbaniste.

Dans son CV, il mentionne lui-même les différentes collaborations de sa carrière :

« Avec M. Jules FORMIGE, Inspecteur Général des Monuments Historiques, Président de l’académie des Beaux Arts et Président de l’Institut.

Avec M. le Chanoine Ulysse CHEVALIER, Paléontologue et Membre de l’Institut.

Avec M. ROUX-SPITZ, Architecte en Chef du Gouvernement, 1er Grand Prix de Rome.

Avec M. L. ARRETCHE, Architecte en Chef du Gouvernement.

Avec les Architectes : BARNIAUD, TEZENAS du MONTCEL, VAUGEOIS, le SAUTER de PARIS, NOVARINA de Thonon. »

Année 1924 :

Il réalise les plans de la maison du garde de la propriété du rendez-vous de chasse du Comte de KERGOLAY à Estées dans la Somme.

De 1923 à 1930, il travaille sur un autre bien de la famille de KERGOLAY : le Château de Septème.

Une restauration importante lui a été confiée : celle du Château de Septème dans l’Isère appartenant à Thibault de Kergolay (1879-1952).

Je n’ai pas retrouvé de plans de Paul concernant ce château, mais un certain nombre de photos sur la restauration intérieure, notamment la grande salle d’apparat avec ses peintures murales, ses moulures, les encadrements de fenêtre. Il s’agit d’un grand château fort du XI ème siècle, dont la construction progressive s’étale sur 800 ans. Le XIII ème siècle a vu l’édification des remparts. Une tour carrée de 40m sur 40m possède des murs de 4m d’épaisseur !

Son parc, ses dépendances et le château ont été classés au titre des Monuments Historiques en 1947. Pourquoi le nom de Septème ? Septième plutôt ! Un camp militaire romain fut construit le long de la voie romaine reliant Vienne à Milan au niveau de la 7e borne (au 7e mille). Le château fort a été bâti sur cet emplacement, à 30 km au sud de Lyon.                                                                                                                       Paul travaille à restaurer la grande salle d’apparat, le grand salon : les fresques sur les poutres datent du XVI ème siècle; les décors peints autour des fenêtres à meneaux sont refaites, les moulures également. Aujourd’hui, le château est toujours habité par la famille De Kergolay qui l’a ouvert aux visiteurs.

Paul très intéressé par l’histoire de ce château, a écrit un texte sur « La Seigneurie de Septème » qui est archivé à la  Médiathèque  » Le Trente » de Vienne, responsable des fonds patrimoniaux.

Le Comte de Kergolay lui écrit en décembre 1950 une lettre amicale et y joint l’attestation suivante :

« Monsieur Paul Bresse, architecte à Vienne, a dirigé les travaux de restauration intérieure du Château de Septème de 1923 à 1930 où sa science archéologique m’a rendu de précieux services. »

Année 1925 :

A Vienne, il agrandit le restaurant de Fernand POINT (1897-1955), un très cher ami : établissement appelé « La Pyramide », car situé tout près d’une obélisque qui ornait autrefois la spina du cirque romain de Vienne. Cet hôtel-restaurant de grande réputation, hôtel de prestige et table gastronomique « La Pyramide » est situé de nos jours : 14 boulevard Fernand Point, un  nom de rue qui lui ayant été consacré.

La plaque du nom de rue représente le blason de sa ville natale, Louhans en Bresse. Fernand Point a tenu cet établissement de 1925 à 1955. En 1933, il est le premier chef cuisinier à recevoir trois étoiles au Guide Michelin. Il a formé des cuisiniers français illustres : Paul Bocuse, François Bise et les Frères Troisgros (qui ne sont en fait que deux !). Pendant la guerre, il a préféré fermer son établissement, plutôt que servir l’Etat Major nazi qui voulait diriger son restaurant et s’installer à sa table…

Année 1926 :

Dès cette année-là, il va se voir confier plusieurs travaux dans la ville de Vienne.

Il réalise la décoration de la salle de la Montée des Epies.

Le 13 avril 1926, Le Nouveau Journal de Lyon publie ces lignes:                                       «… décoration  riche et sobre à la fois, où on sent la main d’un artiste de goût très sûr et affranchi des formules surannées. »

Il restaure l’Hôtel du Nord. Il enlève les volets, mais rajoute un balcon en fer forgé au-dessus de l’entrée et de petites corniches sous les fenêtres. Des bas-reliefs de têtes sculptées prennent place sur la façade au-dessus du rez-de-chaussée. Cette façade devient plus moderne, dépouillée, proche du style Art Déco de l’époque. Sa signature est gravée dans une pierre de la façade : « PAVL BRESSE  ARCH. 1926  ».

Cette année également le Journal de Vienne relève deux nouvelles nominations :

« Paul Bresse vient d’être nommé délégué du Comité du Groupement des Artistes-Décorateurs Lyonnais (sous-section de la Société du Louvre, pavillon de Marsan). »

« Il a été élu membre du Conseil d’Administration du Syndicat des architectes du Sud-Est (comprenant 18 départements). »

Année 1927 :

Il dessine un monument aux morts de la guerre de 14-18 de la paroisse de Saint-André-le Haut. Il a été placé dans l’église en face de la chaire. « Les noms glorieux sont inscrits sur le monument commémoratif, au dessous de la croix qui semble les couvrir de ses bras protecteurs, Monsieur le Curé explique que ce monument est dû à l’heureuse inspiration de Monsieur Paul Bresse. » : texte paru dans le journal Le Moniteur Viennois.

Et enfin, toujours à Vienne, Il réalise aussi cette année-là la cité HBM du Bayet.

Cinéma : 1927

Durant cette même année, Paul participe à une œuvre bien éloignée de l’architecture et de l’archéologie, l’œuvre d’un cinéaste ! « Royaume et Empire du Rhône», documentaire de Jean AURENCHE (1903 Pierrelatte-1992 Bandol), film réalisé en 1927.

En 1933, Jean AURENCHE réalisera un autre film : « Pirates du Rhône », toujours très attaché à ce fleuve.

Par la suite, Jean Aurenche est devenu un scénariste et un dialoguiste de films. Il a été l’auteur de presque 80 films de réalisateurs célèbres : Marcel Carné sur Hôtel du Nord en 1938, Claude Autant-Lara, René Clément, et surtout ceux de Bertrand Tavernier, disparu récemment : « L’Horloger de St Paul, Que la fête commence, Le juge et l’assassin, Coup de torchon, Un dimanche à la Campagne. »

Jean AURENCHE a pris comme assistants pour ce film sur le Rhône, Pierre CHARBONNIER, peintre reconnu et Paul BRESSE est un très bon ami de Pierre CHARBONNIER. Le peintre Max ERNST, son beau-frère,  est également présent…

Voilà donc ces quatre amis, embarqués sur un canot à moteur sur le Rhône. Il s’agit de suivre tout le fleuve de sa source au Mont Saint Gothard à son embouchure à Saint Louis.

Dès le mois de juillet 1927, la presse en parle : Petit Dauphinois, Excelsior, l’Intransigeant, Comoedia.

« Un jeune Ardéchois consacre au cinéma son activité intelligente et son esprit ouvert à toutes les nouveautés, M. Jean Aurenche, fils de notre excellent confrère, M. Louis Aurenche » : Nouveau Journal de Lyon, 02 juillet 1927.

« Dans une barque, les trois réalisateurs de ce film merveilleux suivront toute la vallée du Rhône. » : Nouvelliste de Lyon, 7 août 1927.

Le 15 août, l’Argus de la Presse donne des précisions : « Vues prises en avion, vues terrestres prises de l’avant d’un bateau, et aussi prises par un appareil automatique accroché à un cerf-volant. » Ancêtre du drone …

Le petit Dauphinois du 09.08 nous décrit déjà le film :

« Le scénario se déroulera en offrant aux yeux des spectateurs qui connaîtront ainsi mieux leur petite patrie, les pilles du Rhône (plies de ponts, bacs à traille, câbles, etc.), les pierres du Rhône (rochers, barrages, quais, châteaux, villages et villes, monuments antiques et modernes, les roues du Rhône (usines, industries, vapeurs), les bois du Rhône (forêts, arbres, bateaux, vignobles etc.) et enfin les hommes du Rhône (touristes, voyageurs, mariniers, jouteurs, boulistes). »

Le film a été terminé en août 1927.

Année 1928 :

Paul crée les plans d’une importante salle de spectacle et de cinéma à Vienne : la Salle Berlioz.

La créativité et le talent qui excellent dans ce travail seront unanimement reconnus. C’est une salle située 13 cours Wilson, pouvant accueillir 600 personnes. Les articles de presse sont élogieux :

Durant le mois de décembre 1928, paraissent plusieurs communiqués :

  • « Il faut rendre hommage à l’élégance de la salle. »: Le Progrès de Lyon 07.12.1928
  • « C’est une merveille de réalisation d’architecture moderne (….) On y accède par un hall élégant et sobre qui se prêtera ultérieurement à une judicieuse exposition d’art. » (…) L’éclairage à combinaisons multiples, enfermé dans des colonnes de verre dépoli qui le tamisent et lui donnent une grande douceur, est du plus bel effet. »: Nouvelliste de Lyon 07.12.1928
  • « La salle est très coquette, très bien aménagée ; nous avons remarqué des jeux de lumière vraiment merveilleux. » : Petit Dauphinois 08.12. 1928
  • « Paul Bresse a conçu plan et ornementation : excellente acoustique et un ensemble d’un goût parfait. »

Plus tard, les appréciations restent toujours excellentes : « Paul Bresse est un architecte qui  possède un goût très moderne et excellent, comme il n’en est pas à Lyon, d’une extrême sobriété. »

Même le chef d’orchestre Gaston Millet, directeur de l’Harmonie du Rhône et membre du jury du Conservatoire de Lyon, lui envoie une lettre de félicitation : « Le Théâtre Berlioz  présente les qualités les plus avérées d’une acoustique absolument parfaite. »

Comment Paul a-t-il pu concevoir et tester l’acoustique de la salle ? S’est-il entouré de collaborateurs à l’oreille absolue, ou a-t-il simplement réussi par des calculs mathématiques à concevoir l’acoustique de cette salle ? Ces calculs devaient porter sur la hauteur du plafond, les matériaux utilisés, la place de la scène etc. Personne ne le relève. Mais quelle victoire, quelle reconnaissance pour lui !

Année 1929 :

Vienne toujours ! Il est chargé de faire des études préliminaires en accord avec la Mairie et de réaliser « Un plan d’extension et d’embellissement de la ville de Vienne », comme le note Maurice FAURE, président à l’époque des Amis de Vienne.

Années d’avant guerre :

De 1935 à 1939, Paul collabore avec l’architecte renommé Michel Roux-Spitz qui a reçu Grand Prix de Rome en 1920 et qui est Architecte en Chef du Gouvernement.

Il  travaille sur la Bibliothèque Nationale de Paris, puis en 1937 sur les chantiers de l’Exposition Internationale de Paris comme dessinateur-calepiniste. Il est engagé par le Ministère de la Défense Nationale et de la Guerre, au Service Géographique.

Installé à Paris, il habite au 43 de la rue de l’Abbé-Grégoire.

Guerre de 39-45 :

 Parallèlement à son activité de résistant, Paul travaille sur de multiples projets de transformations, restaurations d’édifices.

  • Château d’Ampuis

Durant la guerre, il travaille sur  la  restauration du Château d’Arenc à Ampuis (Isère), magnifique bâtisse du XVI ème siècle au bord du Rhône, à 6 km en aval  de Vienne.

Ancienne maison forte du XII ème siècle, embellie en château d’agrément à la Renaissance, il a accueillit au fil des siècles plusieurs rois de France. Situé à une lieue de la cité antique de Vienne, le Château d’Ampuis jouit d’une situation exceptionnelle, blotti entre le Rhône et le vignoble ancestral de Còte-Rotie  , à 6 km au sud de Vienne.

Quelques précisions sur ses différents propriétaires : après l’origine de sa construction datant  du XII ème siécle, puis sa première rénovation par Pierre Ampuis au début du XIV ème iècle, c’est la famille de MAUGRON  qui occupa le Château d’Ampuis de 1512 à 1755 et lui donna ses lettres de noblesse. Ce sont ensuite les famille HARENC de la CONDAMINE, puis CIBEINS  qui lui permirent d’aborder lâube du XX ème siècle dans un état de conservation satisfaisant.

Malheureusement, au cours du XX ème siècle, cette belle bâtisse fut sérieusement négligée et ne reçut pas l’attention nécessaire à sa bonne conservation.

Ce Château appartient à l’époque à Monsieur Jack VIAL. Acquis par la famille GUIGAL en 1995, le Château d’Ampuis a fait l’objet, dès son rachat, d’une inscription a l’Inventaire supplémentaire des Monuments Historiques.

La famille GUIGAL est propriétaire des vignobles. Le domaine a toujours produit de grands crus dont le Côte- Rôtie, le plus ancien vin nommé de France cité déjà par Pline et Plutarque au premier siècle! Je retranscris quelques lignes des ces deux auteurs:

« On vient de découvrir une vigne dont le vin a naturellement le parfum de la résine de pin et fait la gloire de la banlieue de Vienne. » Pline (29-79 après J.C) livre XIV, chap.1er.

« On garde de la Gaule viennoise du vin empoissé que les Romains estiment beaucoup. » Plutarque (48 après J.C), Morale, livre V.

Dès 1940, Paul s’attelle à la restauration de ce château et de son parc en association avec Pierre BARNIAUD, architecte, et fait les plans des rénovations suivantes :

  • Création d’une porte d’entrée avec le monogramme de Jack Vial, J et V entrelacés.
  • Elaboration des plans du rez de chaussée et du premier étage.
  • Etablissement de plans pour les ateliers et magasins en 1941.
  • Réalisation du plan de la maison du Jardinier, pavillon du gardien au bord du Rhône.
  • Dessin de la balustrade de la grande terrasse en 1943.
  • Dessin des charmilles et roseraie en 1946.

Années d’après guerre :

  •         Monuments antiques de Vienne :

Dès 1945, Paul effectue des relevés et études de monuments antiques à Vienne : Eglise Saint-Maurice, Abbaye de St Pierre, et du Théâtre Antique Romain commandées par la Direction Générale des Beaux Arts.

  •   Cité des Chasseurs de Strasbourg :

Il conçoit pour la Cité des Chasseurs à Strasbourg, des maisons avec toute la partie du premier étage en bois. C’est une longue et belle histoire que celle de cette Cité….

Dans les années 30, la construction de petites maisons de briques, avec des fondations en béton est amorcée : 19 maisons sont bâties sur les 121 prévues dans le projet qui prévoit une cité jardin sur 60 hectares de terrain. Le chantier doit être interrompu pendant la guerre et reprend en 1948, le besoin de logements étant impératif. Mais voilà qu’en 1948, Paul  est affecté par la Direction des Services Départementaux de la Reconstruction et de l’Urbanisme comme architecte dans les départements de Seine, Seine et Oise, Ille et Vilaine. C’est probablement dans le cadre de ce poste, bien que Strasbourg ne soit dans ces départements-là,  qu’il  établit les plans des maisons de la Cité des Chasseurs à Strasbourg que l’on a aussi appelé « Le Petit Village Suédois », avec ses chalets colorés… Dès 1947-48, le Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme s’attelle à reloger les habitants des villages bombardés, notamment Kehl.  La Cité Rotterdam voit le jour à Strasbourg, mais ses maisons sont petites et les familles nombreuses, qui ont jusqu’à dix enfants, emménagent dans les chalets de la Cité des Chasseurs dont les habitations sont plus spacieuses. L’OHLM (Office des Habitations à Loyer Modérés) en a la gestion. Les familles se plaisent beaucoup dans ce quartier où la qualité de vie est agréable : petits commerces, espaces verts pour les enfants,  convivialité  et entraide. Les habitants demandent à acheter leur chalet et dès 1960 deviennent propriétaires !

  • Saint-Malo :

En 1950, Paul travaille avec Louis ARRETCHE, architecte en chef de la reconstruction de Saint Malo sur l’Ilot 9 et 11 dont ils effectuent les plans. Je possède 7 plans et le plan de masse des immeubles HLM intra muros. Saint Malo avait été détruite par l’artillerie américaine qui a confondu la ville avec le fort de la Cité de Saint Sevran qui était une place militaire allemande !

« Le patrimoine ancien a fait l’objet de mesures de sauvegarde adaptées, en même temps que d’une tentative d’implantation d’une architecture nouvelle d’accompagnement. » comme le décrit Yvon BLANCHET qui a rédigé en 1965 un mémoire sur la reconstruction de Saint Malo. Louis ARRETCHE prévoit la reconstruction des quatre façades principales de la ville.  Je possède également les 13 plans du projet de reconstruction de la sous-préfecture de Saint-Malo.

  • Saint Lo :

Egalement, durant l’année 1950, Paul travaille sur la reconstruction de la Préfecture de Saint-Lo. Elle avait été détruite en 1944. En 1947, sa reconstruction est confiée à Louis ARRETCHE qui travaille avec Paul.  Le projet est soumis aux élus mais « les bâtiments épurés couverts de toits en terrasse sont jugés trop « avant-gardistes » ! Paul avait des conceptions modernes et novatrices… Je pense que Paul a dû retravailler son  projet intégrant colonnes, corniches et toitures à 4 pans en ardoise.

Ce sont les plans du bâtiment B que je possède. A-t-il conçu lui-même les trois bâtiments qui forment un ensemble en U ? Il manque beaucoup d’éléments pour retracer cette reconstruction. L’inauguration de l’ensemble préfectoral a lieu en 1953.  Je ne sais pas si Paul a également revu et transformé l’Hôtel du Préfet avec son mur de clôture et le bâtiment des services administratifs.

En 2019, cet ensemble est inscrit au titre des Monuments Historiques.

Châteaux :

Paul mentionne dans son CV les commandes concernant la rénovation de quatre châteaux :

« Restaurations de Châteaux Historiques : Château de Septème en Isère, Château d’Ampuis sur le Rhône, Château de Ste Croix en Saône et Loire, Château de Chauvigny en Loir et Cher. ».

J’ai parlé précédemment de ses travaux en 1923 sur le Château de Septème, et de ceux sur le Château d’Ampuis pendant la guerre. Je n’ai ni documents, ni plans de son travail  sur le Château de Ste Croix.

Il participe à la restauration du Château de Chauvigny  à Savigny sur Braye, dans le Loir et Cher,  en 1951. Ce château datant du XIXe  siècle ne doit pas être confondu avec un château fort médiéval appelé Château Barronnial de Chauvigny, datant du XIe siècle.

Paul refait l’escalier d’honneur de l’entrée. Il fait graver sa signature sur la première marche : et date : 14 août 1951. Paul a écrit sur la couverture du plan de cet escalier ces précisions: « Escalier d’honneur, composé de marches massives par l’entreprise Chauvigny-Peuron-Marbrier. Limon et mur d’échiffre en roche de Tercé. Le tout en taille adoucie. »

François de Chauvigny propriétaire de ce château devient un ami de Paul et ils échangent une correspondance de 1950 à 1954. Ils sont restés amis longtemps, jusqu’au décès de Paul. Par la suite, j’ai pu croiser plusieurs fois François de Chauvigny, aristocrate charmant, plein de générosité.

Collaboration avec l’architecte  Pierre TEZENAS du MONTCEL :

Différents travaux très variés le mobilisent en 1951 alors qu’il est associé à l’architecte Pierre Tezenas du Montcel : cinq projets sont élaborés cette année-là par Paul :

– Un pavillon de post-cure du Sanatorium de Cornusse (Cher)

Ce grand bâtiment, datant de 1903, a eu plusieurs fonctions: tout d’abord colonie de      vacances, il  a été un hôpital militaire en 1914-1918, et aussi en 1939. Puis la Croix Rouge le transforme sanatorium pour enfants atteints de tuberculose: Paul établit un projet pour la construction d’une aile de 66 lits ainsi qu’une autre aile pour les post-cures.

– Une grande cheminée de salon pour une maison à Brecey (Manche).

–  L’entreprise Uni Auto à Paris, au 24 de l’Avenue de la Grande Armée.

– A Nassandres dans l’Eure il fait les plans de la maison de la direction d’une sucrerie (qui a fermé tout récemment en février 2021) et comptait déjà 1000 ouvriers au XIXe siècle;

– Et toujours à Nassandres ceux d’une tour d’exercices pour la Compagnie des Sapeurs Pompiers !

Deux autres réalisations suivent :

  • Une imposante cheminée de salon pour le Domaine du Moulin à Cheyssieu en Isère.
  • Un Immeuble rue du Général Foy. Dans quelle ville ?

Collaboration avec Pierre BARNIAUD :

Dans les années 1950-1960,  il est associé avec l’architecte Pierre BARNIAUD et réalise de nombreux plans :

A Vienne, dès 1946, il effectue un avant-projet pour la transformation de l’immeuble « Les Maladières ».                                                                                                             A Cheyssière sur Auberives, Monsieur Jenthon désire une grande villa moderne  avec tour et cheminée… Paul en réalise les plans en 1954.

Durant l’année 1955, il dessine les plans de deux immeubles : « La Tour » à Grenoble en juin  et « La Tour » à Vienne en juillet sous la direction de l’architecte Maurice NOVARINA! Ces deux tours culminent à 14 étages de hauteur !

Il  fait les plans d’une maison à Conches dans l’Eure.

En 1956, il crée 24  logements à loyers économiques et familiaux (HBM) à Clichy-sous-Bois pour une société immobilière au nom bien poétique : « Notre Dame des Anges »…et un autre Immeuble HBM à Bondy.

Il réalise la salle paroissiale de Taverny, rue du Maréchal Foch, (Seine et Oise).

Il prévoit également  l’extension du bâtiment principal du Petit Séminaire de Versailles, 97 rue Royale.

Poursuivons avec l’année 1957 qui voit les réalisations suivantes :

L’église « Notre Dame des Champs » à Taverny. Cette petite église est bâtie avec des pierres blanches, le tour de ses fenêtres arrondies est  en brique rouge. Elle est très belle, date de 1934. En 1957, Paul établit un pré projet d’agrandissement de cette chapelle.

– La salle d’œuvres de la propriété de l’Association Diocésaine de Versailles à Saint Pierre de  Nonneville (Seine et Oise ).

l’Immeuble « Le Raincy » (Seine et Oise ) avec 8 logements prévus de 2 et 4 pièces.

Une grande propriété  pour Francis Berne à Rosny-sous-Bois.

– Un Immeuble : Le Pavillon Sous-Bois à Livry-Gargan.

– Réalisations pour l’Hôpital de Montfermeil : un laboratoire et une salle de mécanothérapie ; le pavillon d’habitation du directeur.

Continuons avec l’année 1958  et la naissance de deux pavillons:

Pavillon pour Monsieur Marchetti à Neuilly-Plaisance

Pavillon pour Monsieur Robert Huret à Livry- Gargan (Seine et Oise).

En 1960, il fait les plans de la « Chapelle Notre Dame de la Croix » à Maisons-Laffitte, encore une église qui lui permet d’innover, d’utiliser différents matériaux pour une chapelle surprenante d’équilibre et de modernité, magnifique édifice avec un plan triangulaire. Au-dessus de la porte d’entrée, abritée par un auvent, se dresse un haut clocher en pierres de taille surmonté d’un coffrage en lamelles de bois pour abriter la cloche.                                                                                                                            Suivent les plans de l’Ecole Saint-Louis, rue de Halléville à Enghien-les-Bains qui comprendra trois classes et un logement.

En 1961, il dessine le Pavillon Sous- Bois, immeuble collectif,  place de la Libération à Livry Gargan en Seine et Oise.

Il nous a toujours dit qu’il aimait faire les plans d’églises qui lui permettaient, je pense, une plus grande liberté de conception esthétique,  de choix de matériaux de construction. C’est en janvier 1962 qu’il élabore un projet pour l’extension  de l’ Eglise Sainte-Pauline au Vésinet (Seine et Oise).

Collaboration avec Maurice NOVARINA

En 1955 Il conçoit une très belle petite église en pierre à Ezy sur Eure. Les murs latéraux percés de grandes ouvertures longitudinales ; le projet a été confié à Maurice NOVARINA, architecte réputé de Thonon, mais je crois que c’est Paul qui en a dessiné les plans que je  possède.

En 2019 elle est classée au titre des Monuments Historiques, une année avant que le fils de Maurice NOVARINA, Patrice, réalise un clocher campanile, haute sculpture faite de tiges de  métal, avec une croix à son sommet et deux cloches qui y sont suspendues.

Je pense que ce nouveau clocher attenant à l’église n’aurait pas déplu à Paul, appréciant les réalisations artistiques modernes et audacieuses.

Dernier grand projet : contournement de Genève

On est en 1962, Paul a  71 ans, il ne réalisera plus de plans, mais se consacrera à un projet intéressant : « La Grande Ceinture de Genève ». Dès 1959, nous habitions une maison des années 30 dans une petite rue de Gaillard, village frontière avec Genève. La rue Paul Valéry se trouve entre deux douanes, Vallard et Moëllesullaz où nous allions à pieds prendre le tram 12 pour Genève.

Paul s’est passionné pour le projet de la construction de l’autoroute blanche conçu en 1968  et dont les travaux commencent en 1970. Il doit relier Mâcon à Chamonix. Il s’appelle autoroute des Titans pour le tronçon Bourg-en-Bresse / Bellegarde et Autoroute Blanche pour le tronçon qui va de Bellegarde à Chamonix.                              Genève, ne voulant pas être en reste, a voulu un accès rapide à cette autoroute dès Gaillard par la douane de Vallard.

Son quartier de Malagnou accède à cette grande douane qui entame la voie vers la vallée de l’Arve jusqu’à Chamonix.  L’autoroute a été construite en contre-bas de Gaillard et un pont traversait le village. Paul  se rendait souvent sur les lieux des travaux, très intéressé par ce chantier. En 1973, année de la mort de Paul, la section Vallard-Bonneville est inaugurée.

Un autre grand projet lui tenait à cœur : le contournement de Genève. Une autoroute de contournement sera au final inaugurée en 1993, reliant l’aéroport et la douane de Bardonnex. Mais depuis plusieurs décennies, le besoin était présent et les projets germaient. En 1960, une exposition est présentée au public genevois : « Voies urbaines et Futures »; le canton de Genève réalisait qu’il fallait désengorger la ville. La circulation  y était dense, les rues devenaient trop étroites pour un tel trafic, le passage d’une rive du lac à l’autre par le pont du Mont-Blanc connaissait déjà des bouchons. Genève est une enclave dans le territoire français avec une zone urbaine entourée de terrains agricoles.

Monsieur Muller-Rosselet, urbaniste donnait son point de vue : « La motorisation exagérée de notre canton ne doit  pas être considéré comme le Progrès en lui-même. », rejoignant un stand de l’exposition qui s’intitulait : « Grandeur et servitude des routes urbaines. »

 En 1964, année de l’Exposition Nationale Suisse de Lausanne, l’autoroute Lausanne-Genève est inaugurée. Ce projet s’inscrit dans une suite d’autoroutes (383 km) devant relier la frontière autrichienne (Saint- Margrethen) à la frontière française (Bardonnex) en traversant la Suisse. En 2001, le dernier tronçon sera achevé reliant Morat à Yverdon.

L’autoroute Lausanne-Genève avait un embranchement au Vengeron pour se diriger vers la douane de Vallard via l’autoroute blanche vers la vallée de l’Arve jusqu’à Chamonix. Comment contourner Genève ? Un projet avec un tracé court de pont au-dessus de la rade avait toujours été refusé pour des questions de coût de d’esthétique, et se voit définitivement rejeté par la Confédération en 1964. Une idée de tunnel sous le lac a aussi germé.                                                                                                              C’est en 1981 que le projet de contournement de Genève est adopté par le Grand Conseil et la Confédération. Douze ans plus tard, la voie peut être utilisée.

Pour anecdote, notons qu’il était même prévu de relier Rotterdam à Marseille ! Par voies d’eau, lacs, rivières, canaux… Visualisons son tracé : Rotterdam-Bâle-Aar-Neuchâtel-Léman-Genève-Seyssel-Lyon-Marseille. Ainsi, on aurait pu acheminer des denrées d’Afrique, des fruits, des minerais et on disait qu’« En 2000, Genève serait un port de mer ! »

Paul Bresse suivait tous ces projets, plans et contre verses de près. Il réfléchissait lui aussi à un projet de contournement de Genève en la reliant aux autoroutes voisines suisses et françaises. Il le réalisa et  travailla sur une carte existante de la région,  posant son calque sur les routes déjà tracées pour rejoindre Lyon, Grenoble, Chamonix.

20 ans après son décès, Genève peut être contournée par deux tronçons d’autoroute français et suisse. Paul n’aura pas eu la joie de les emprunter …

Paul BRESSE, 2ème partie : sa carrière d’archéologie

Paul BRESSE    26 février 1891 – 19 juillet 1973

Par Corinne MOLLIET-BRESSE sa fille cadette

Pour relater la carrière de mon père Paul BRESSE, je me suis basée sur le Curriculum Vitae qu’il a rédigé, les plans et photos de ses réalisations que je possède, et aussi sur les articles parus dans la presse.

Vers l’âge de 30 ans, Paul est en possession de son diplôme d’architecte-archéologue-urbaniste.

Dans son CV, il mentionne lui-même les différentes collaborations de sa carrière :

« Avec M. Jules FORMIGE, Inspecteur Général des Monuments Historiques, Président de l’académie des Beaux Arts et Président de l’Institut.

Avec M. le Chanoine Ulysse CHEVALIER, Paléontologue et Membre de l’Institut.

Avec M. ROUX-SPITZ, Architecte en Chef du Gouvernement, 1er Grand Prix de Rome.

Avec M. L. ARRETCHE, Architecte en Chef du Gouvernement.

Avec les Architectes : BARNIAUD, TEZENAS  du MONTCEL, VAUGEOIS, le SAUTER de PARIS, NOVARINA de Thonon. »

Sa carrière d’archéologue à Vienne

On peut globalement dire qu’au début de sa carrière, il se consacre principalement à l’archéologie. Les différentes missions qu’on lui confie vont se succéder :

Année 1921 :

Il prend sa carte de membre de la Société des Amis de Vienne, créée par son père. En effet, en 1904, Francis BRESSE, alors maire de Vienne, voit la nécessité de protéger le patrimoine local, notamment les vestiges romains qui risquent d’être vendus. Il réunit les fonds pour créer cette association qui existe toujours aujourd’hui. (Son site internet : https://amisdevienne.fr/)

Le 07 avril 1921, Paul devient Membre Titulaire de la Société Française d’Archéologie.

Le journal « Le Progrès de Lyon » mentionne le 13 juin 1021: « Paul Bresse a été élu membre correspondant de la Société Académique d’Architecture de Lyon. »

Il mentionne dans son CV qu’en 1921, il devient « Correspondant de la Société Académique d’Architecture de Lyon », et la même année : « Lauréat au Congrès d’Archéologie, il reçoit la Médaille d’Argent. »

Déjà le 08 août 1921, il reçoit un courrier de Léon BERARD, chef de bureau des Monuments Historiques et des Sites, ministère de l’Instruction Publique et des Beaux Arts  qui stipule :

« Par arrêté, Paul Bresse est chargé d’adresser à la Commission des Monuments Historiques un rapport détaillé sur l’Ancienne Abbaye de Saint-André-le-Bas à Vienne. »

De 1921 à 1924, Paul se voit confier, par cette Commission des Monuments Historiques, des missions à Rome et à Pompéi, probablement pour étudier la restauration des théâtres antiques.

Paul effectue donc un séjour à Rome. Peut-être est-il accueilli à la Villa Médicis ? Il possède un permis pour visiter et photographier le Vatican, la Chapelle Sixtine, la Pinacothèque, délivré par la  Préfecture des Palais Sacrés Apostoliques.

La Société des Amis de Vienne édite régulièrement un Bulletin. Ils publient en 1921, un article de Paul Bresse sur « Les Voies Romaines à Vienne », bulletin n°17, pages 23 à 27 qui est aussi édité séparément.

Début du texte sur les voies romaines

Théâtre antique de Vienne

Entre 1908 et 1918, Ernest BIZOT, conservateur du Musée de Vienne avait fait des sondages sur ce terrain. On s’aperçoit alors que ces vestiges sont enfouis sous 6 m de terre. Ce n’est pas un amphithéâtre (ellipse complète), mais un édifice en hémicycle (semi-circulaire) avec des gradins étagés, la cavea, et un mur derrière la scène qui renvoyait les sons, les voix. On suppose que dans l’antiquité, il pouvait accueillir jusqu’à 12 000 spectateurs et devenait ainsi le plus grand théâtre de Gaule après celui d’Autun.

Paul BRESSE va amorcer une collaboration fructueuse et passionnante avec Jules FORMIGE Inspecteur Général des Monuments Historiques et Président de l’Académie des Beaux Arts. Jules Formigé, architecte en chef des Monuments Historiques décide le dégagement du théâtre romain et la reconstruction de certaines parties. Plusieurs propriétés, à l’emplacement de l’ancien édifice, sont achetées par la ville de Vienne avec le concours de l’Etat, du département de l’Isère, et de la Société des Amis de Vienne.

Pour faciliter les fouilles et le dégagement de l’emplacement du théâtre antique, les terrains qui recouvrent les gradins sont également acquis. Le Bulletin des Amis de Vienne fait paraître un article de Paul BRESSE : « Le Théâtre de Pipet » en 1922, Bulletin n°18, pages 28 à 38. Cet article a été aussi édité séparément.

Début du texte sur le Théâtre de Pipet

De 1923 à 1935, il sera le proche collaborateur de Jules Formigé et travaillera sur des édifices classés de Vienne. Il entreprend alors des études de Monuments Antiques à Vienne : Théâtre Romain, abbaye Saint Pierre du V ème siècle, une des plus anciennes de France et surtout l’Abbaye romane de Saint-André-le-Bas, datant du VI ème siècle.                                                                                                                                                    C’est également Paul BRESSE qui « expose l’état actuel de la question » comme le relève le Journal des Débats du 22 janvier 1924, concernant ce théâtre romain dont il ne subsiste guère que les fondations et qui est enclavé au milieu de constructions modernes. Les théâtres de Rome, Pompéi, Arles, Orange, Vaison-la-Romaine ont été restaurés. Il faut s’inspirer des méthodes employées dans ce type de réfections.

Ce théâtre est inauguré en 1938 par le président Albert LEBRUN, avec une capacité d’accueil de 9000 spectateurs. Mais des travaux de dégagement ont été poursuivis jusqu’en 1947, et ont redonné au théâtre sa fonction originelle en redevenant le cadre de manifestations variées. Notons le célèbre « Jazz à Vienne » qui a lieu depuis 1981. Il peut accueillir 13 000 spectateurs et son diamètre est de 130 m, avec 46 rangs de gradins. Il présente un dénivelé de 28,5 mètres depuis l’orchestre où prenait place le chœur autrefois, et le gradin supérieur.

Il est émouvant de citer un sonnet écrit par un inconnu et dédié à Paul BRESSE pour son travail sur ce théâtre. Il paraît dans le Journal de Vienne. 

 Ruines Romaines, sonnet            A Monsieur Paul Bresse :

Evoquer le passé et le vouloir tangible.
Fouiller, avec ferveur, dans un sol disparu,
Déchiffrer l’inscription sur la pierre illisible.
Et rétablir un plan à tout jamais perdu :

La tache est difficile et le but grandiose.
Il faut beaucoup savoir pour oser le tenter.
Vous êtes aujourd’hui, Monsieur, celui qui l’ose.

Laissez-moi, de tout cœur, vous en féliciter.

« Urbs Senatoria », qui jadis fut illustre,
Même aux yeux des Viennois va prendre un nouveau lustre :
Ses termes, son théâtre et ses dieux vont surgir…

Et voici que planant autour des sept collines,
L’âme des vieux Romains, qui abritaient les ruines,
Regarde avec amour ce travail s’accomplir.

Cloître de l’Abbaye Saint André le Bas

Année 1923 :

La restauration de l’Abbaye de St-André-le-Bas et de son cloître sera également supervisée par Jules Formigé qui réalisera le désengagement de la façade de l’Abbaye, grâce à l’achat puis à la démolition d’un immeuble du XIX ème siècle dernier avec 4 galeries.

Le préau du cloître servait de cour intérieure à l’immeuble, les arcades étaient aveugles, les colonnettes et chapiteaux emprisonnés: l’argent  pour racheter cette construction sera obtenu par une souscription auprès des sociétaires des Amis de Vienne et des dons.

Les travaux seront évoqués au moment de l’Assemblée Générale de la société des Amis de Vienne, le 30 Avril 1923, publié dans le Bulletin n°18, pages 14 à 16.

Paul expose ses projets, études et dessins sur le Cloître de l’Abbaye de St André-le-Bas au Salon des Artistes Français : ses dessins sont acquis par l’Etat.

L’inauguration de l’Abbaye aura lieu bien tardivement en 1938.

Le cloitre est actuellement un lieu, de cérémonies, de visites et d’expositions

Suite de la carrière d’archéologue de Paul BRESSE

Il est nommé en avril 1924 « Correspondant de la Commission des Monuments Historiques (section des Antiquités et Objets d’Art) pour le département de l’Isère. » Il a écrit de nombreux textes sur l’histoire et l’évolution de la ville de Vienne.

Malgré tout le travail entrepris par les missions dont il a la charge, Paul pose, à cette époque-là, sa candidature à certains postes qui l’intéressaient au plus haut point :

  • Architecte ordinaire des Monuments Historiques.
  • Conservateur des Musées Nationaux.
  • Employé aux fouilles de l’antique Lugdunum (Lyon).
  • Correspondant des Monuments historiques pour le département du Rhône.

Malheureusement ces candidatures n’aboutissent pas, soit qu’on lui impose de résider dans le département concerné, soit que les diplômes demandés divergent de celui des Beaux Arts : Ecoles Françaises de Rome ou d’Athènes, Ecole du Louvre ou de Chartres, agrégation ou doctorat es lettres ou es sciences.

Guerre de 39-45 :

Dès 1945, Paul effectue des relevés et études de monuments antiques à Vienne : Eglise Saint-Maurice, Abbaye de St Pierre, et du Théâtre Antique Romain commandées par la Direction Générale des Beaux Arts.

Quelles sont les mémoires de ses travaux d’archéologue ?

En rappelant le souvenir des sociétaires disparus, les Amis de Vienne ont rédigé et publié la nécrologie de Paul BRESSE, publiée dans le N° 69, 1er Trimestre 1974.

C’est un éloge qui fait référence, je pense, à différents textes écrits par Paul: « L’Abbaye de Saint André-le-Bas, histoire. » ; « Vienne, mélange d’archéologie, d’architecture» ; «  Histoire viennoise. »

Citons également : « Le théâtre romain de Pipet à Vienne » par Paul BRESSE et Claude FAURE aux Editions Henry Martin en1923 ; texte qui donne lieu à un article paru dans le Bulletin de la Société des Amis de Vienne n°18, page 28 à 38, en 1922.

Tous les articles parus dans les bulletins des Amis de Vienne sont disponibles à l’achat sur le site des Archives des « Amis de Vienne »

Paul BRESSE, 1 ère Partie : Sa vie

Paul BRESSE    26 février 1891 – 19 juillet 1973

Laurent, Paul, Eugène BRESSE, né le 26 février 1891, était le fils de Louis-François BRESSE et de Emma Octavie BERTINI, voir les articles précédents.

Pour voir l’image en grand, cliquez droit et faites « ouvrir dans un nouvel onglet »

Françoise (1887-1860), qui a épousé Paul SAUTREAUX (1885-1928), médecin

Henri-Octave (1888-1915), ingénieur des Mines, qui a été tué pendant la guerre de 14-18

Louise-Madeleine, dite Madeleine (1889-1981) qui a épousé Pierre GARDON (1884-1979) Juge de Paix

Laurent, Paul, Eugène (1891-1973) architecte qui a épousé Antoinette Marie ODIER-MECKLING (1915-1983)

Jean Louis Félix Gabriel (1894-1982) qui a épousé Madeleine Marie SEVE (1903-1943), puis Suzanne Elisabeth HENRY (1911- 2000)

Les 5 enfants, avec de gauche à droite : Françoise, Jean, Paul, Henri, Madeleine. Photo colorisée par Jean-Claude FINAND

Corinne Molliet-Bresse, fille cadette de Paul BRESSE a rédigé la biographie de son père en mai 2021. Les textes qui suivent en sont des extraits que je publie en collaboration avec elle.

Antoine, Anne et Corinne, les enfants de Paul BRESSE, sont mes cousins germains, puisque Paul BRESSE était le frère de mon père Jean BRESSE. 

Jean François BRESSE

Plan des publications :

  • 1 ère partie : sa vie
  • 2 ème partie : sa carrière d’archéologie
  • 3 ème partie : sa carrière d’architecte
  • 4 ème partie : ses passions, ses amitiés

Enfance et jeunesse

Jusqu’à ses douze ans, Paul vit une vie de famille équilibrée et animée dans la grande maison de St Marcel, entouré de ses parents et de ses quatre frères et sœurs.

Son père, Francis BRESSE est avoué et maire de Vienne. Il dirige la maisonnée avec une bienveillante autorité. Sa mère, Emma BERTINI, venait d’une famille de musiciens : son grand-père Henri BERTINI (1798 Londres – 1876 Meylan, près de Grenoble), fut un pianiste virtuose, compositeur de musique, laissant une œuvre préromantique d’environ 500 morceaux dont de nombreuses compositions pour piano. Voici ce qu’en dit Wikipédia : http://en.wikipedia.org/wiki/Henri_Bertini

La surdité : Un handicap ? Une infirmité ?

Paul Bresse était sourd depuis l’âge de douze ans, en 1903 : une surdité totale, définitive, survenue après une série d’otites à répétition.

On parle souvent de l’isolement provoqué par la surdité qui supprime l’environnement sonore, les bruits du monde… Son père Francis y a été sensible, mesurant les difficultés que Paul allait rencontrer dans sa vie d’écolier, d’étudiant, de travailleur, mais aussi sa vie sociale et amoureuse. Il lui a fait apprendre la lecture labiale. Francis s’est beaucoup impliqué par la suite dans des œuvres sociales d’entraide. Il a organisé durant la guerre de 14-18 des secours aux militaires et blessés. Francis BRESSE a été élu Conseiller Général au Département de l’Isère, en 1910 jusqu’en 1928. Il était au Parti Radical Socialiste. Il a eu diverses implications : « Président de la Caisse Agricole Mutuelle du Dauphiné, Président des Pupilles de la Nation, Président du Comice Agricole Bon Marché de Vienne, Vice-président de la Commission des Hospices de Vienne ; il a aussi créé le sanatorium de Seyssel.»

Francis recherche une personne pouvant aider Paul. Il est indéniable qu’il n’a pas pu continuer à fréquenter la classe de l’école secondaire du lycée de Vienne. Il a donc eu une préceptrice, Madame Dupin. On se demande quelle méthode elle a employée pour apprendre à Paul à lire sur les lèvres. Par l’observation des lèvres de l’interlocuteur, qui lui-même doit s’efforcer de bien articuler les syllabes, la personne sourde s’appuie aussi sur la suppléance mentale de son cerveau qui est capable de reconstituer la conversation. Paul est persévérant et courageux. Il le montrera toute sa vie.

Pour Paul, la communication avec les autres restait difficile. Il n’était, heureusement, pas sourd de naissance, il a entendu pendant 12 ans, mais son élocution était devenue étrange, beaucoup de personnes ne le comprenaient pas; j’ai entendu cette remarque bien souvent, ce qui me peinait. Il percevait des vibrations. Paul chantait ! : « Ma cabane au Canada ». Bien sûr, il n’avait pas pu l’entendre sur les ondes avant ses douze ans, puisque Louis Gasté l’a composée pour Line Renaud en 1947… Les orthophonistes ont essayé à plusieurs reprises de l’appareiller, mais cela était trop inconfortable pour lui, les appareils installant des bruits bizarres et des bourdonnements. Imaginons des acouphènes en permanence, des sons distordus, un brouhaha sonore… Petit, il s’est construit comme tous les autres enfants dans une grande famille de sept personnes. Je suis sûre que tout de suite, il a relevé le défi de cette surdité survenue brusquement, s’est accroché à ses apprentissages jusqu’au BAC. Puis il a fait de brillantes études d’architecte, réalisé des travaux passionnants et reconnus. Nous le verrons plus loin. Il a oublié les moqueries, les discriminations. Bien sûr il vivait dans le silence, l’environnement sonore d’une maison avec une vie de famille animée lui était étranger, les paroles et les mots spontanés, les interpellations à distance de Nine, son épouse et de ses trois enfants, restaient impossibles. Dans sa profession d’architecte, il était absent des réunions, des rencontres de chantier : il a toujours dû travailler avec un architecte associé.

Mais voilà, la communication restait un peu difficile avec Paul, puisqu’il fallait toujours se placer face à lui et bien articuler pour se comprendre : la discussion demandait de la patience, de la concentration, limitait la spontanéité des mots et phrases lancés. En famille, nous le comprenions bien, même si le son des mots qu’il prononçait était déformé. Mais j’ai côtoyé grand nombre de personnes qui avaient du mal à saisir ce qu’il disait. Et bien sûr nous parlions avec nos mains, inventant même des signes imagés. Nous, ces trois enfants, sommes restés très expressifs dans nos conversations toujours rendues, à ma grande joie, très vivantes.

Paul était un être très sociable, recherchant l’échange et le contact, très apprécié de tous, avec de nombreux amis. Nous rendions visite aux membres de sa famille à Lyon, Vienne ou à Artas. Nine, notre mère, était très liée à sa famille de Genève. Nous nous fréquentions beaucoup. Lors des visites, réunions de famille et repas, séjours dans les chalets du Salève, tous reconnaissaient son parcours si intéressant, son courage et son talent.

J’ai souhaité faire un petit détour sur cette polémique autour de la surdité et des enseignements existants au début du 20ème siècle pour que les enfants sourds puissent apprendre et grandir.

La langue des signes a été interdite pendant des décennies, depuis 1880 par le Congrès de Milan regroupant 255 participants, éducateurs et spécialistes de l’enseignement pour enfants sourds. Ces personnes avançaient leurs arguments en faveur du langage oral en affirmant que les enfants sourds devaient impérativement apprendre à parler. Le compte-rendu de séance relève les avis des opposants à la langue des signes :

« Le langage mimique est surabondant et parle trop vivement à la fantaisie et à l’imagination. »

« La méthode orale convient mieux à l’instruction religieuse. Il faut rendre les sourds-muets à Dieu. »

« Les élèves sourds sont plus physiologiquement humains depuis que nous les élevons par la parole. »

La langue des signes, liée à l’expression corporelle, est considérée alors comme inconvenante, puisqu’elle accentue l’expression du visage en lien avec la gestuelle des mains.  Bien évidement les mimiques sont nécessaires pour compléter le sens de la phrase.

Un préjugé terrible affirmait, à l’époque, que les sourds muets ne pouvaient pas avoir une intelligence développée. Certains les traitaient même de « sauvages » ! ?

Pendant 100 ans, la langue des signes se voit donc interdite !

En 1980, un siècle plus tard, surgit « Le Réveil Sourd »: écrivains, journalistes, linguistes, sociologues travaillent à la requalification de la langue des signes. Jean Crémion crée une association : « deux langues pour une éducation », et  un centre social et culturel pour sourds.

En 1991, la langue des signes est réintroduite dans les écoles: c’est la fin de l’obligation d’enseigner la méthode orale et les parents peuvent choisir une éducation orale ou bilingue, en y associant la langue des signes qu’ils apprennent également.

En 1993, Emmanuelle Laborit, sourde de naissance, reçoit le Molière de la révélation théâtrale pour son rôle dans « Les Enfants du Silence. » Elle avait rencontré en 1976, à l’âge de 7 ans, Alfredo Corrado, acteur et metteur en scène sourd. Il avait créé l’International Visuel Théâtre des sourds à Vincennes où Emmanuelle Laborit a appris le métier de comédienne après son BAC. Puis, plus tard en 1994, souvenez-vous, elle nous a enthousiasmés avec son livre  « Le Cri de la Mouette ».

Le métier d’interprète en langue des signes est validé par un diplôme. La reconnaissance avance… Les sourds communiquent plus aisément.

En 2005, la langue des signes est reconnue comme une langue à part entière

On reconnaît maintenant combien elle peut créer un véritable moyen de communication, de parole pour les sourds. Il suffit de suivre un discours politique, un exposé, à la télévision traduit simultanément en langue des signes, pour se rendre compte que tout peut être dit, exprimé avec cette langue, jusqu’aux  textes les plus ardus. Et nous regardons fascinés la gestuelle si rapide et précise des interprètes !

Etudes

Paul est né et habitait à Vienne. Il y a été écolier puis lycéen. A douze ans, Paul devint sourd, mais il a poursuivi sa scolarité secondaire dans les meilleures conditions.

On peut penser qu’on riait de sa peine et bien souvent on se moquait de lui. Ses parents lui donnèrent l’appui dont il avait besoin en la personne de Madame Dupin de Bagnols. Cette dame lui a servi de professeur, de préceptrice. Paul a pu poursuivre sa scolarité jusqu’au baccalauréat. Il est entré à l’Ecole des Beaux Arts de Paris, puis de Montpellier où il a obtenu un diplôme DPLG : architecte urbaniste « Diplômé Par Le Gouvernement. »

Sur ses plans et courriers divers, Paul signe et se définit comme « architecte-archéologue » ou « architecte-urbaniste » ou encore « architecte-décorateur. »

Par la suite, est-il allé étudier à la Villa Médicis de Rome ?  Il a fait un séjour à Rome de 1921 à 1923. Crée en 1666 par Louis XIV, cette institution, Académie de France à Rome, accueille, encore de nos jours, pour une année, des artistes de différentes disciplines : entre autres, un secteur « Restauration des œuvres d’art et des monuments ». Il a effectué des séjours à Pompéi et à Rome. Très tôt, il s’est passionné pour l’archéologie comme ses travaux à Vienne le montrèrent par la suite.

Guerre de 14-18

Le Conseil de Révision exempte Paul de partir au front en raison de « surdité- mutité ».

Non Mobilisable. Il aurait cependant été présent sur le front quelques temps puisqu’il racontait que n’entendant ni les balles, ni les tirs d’obus, il faisait « comme les autres », se plaquant au sol ou fuyant ventre à terre… Une balle aurait même une fois lacéré son pantalon sans toucher sa jambe !

Paul s’est engagé comme infirmier-brancardier à l’Hôpital Complémentaire n°2 de Vienne, de septembre 1914 à décembre 1917.

Tous les hommes de son âge étaient mobilisés : Henri et Jean ses frères, Paul SAUTREAUX, le mari de sa sœur Françoise, mobilisés en tant que médecin, Charles LACOMBE, Charles BUISSON, ses oncles. Une importante correspondance arrivait à la maison de Saint Marcel à Vienne.

Des échanges de courrier émouvants et affectueux essayaient de combler l’angoisse de savoir les hommes au front, en première ligne dans cette guerre si meurtrière.

Son frère Henri, ingénieur des Mines, lieutenant au 1er Régiment d’Artillerie Lourde fut tué par un éclat d’obus le 12 mai 1915 au Mont St Eloi. Il écrivait à Paul resté à Vienne, employé comme infirmier à l’hôpital :

« Le moindre petit mot fait ici plus de plaisir que nulle part ailleurs. » ou alors : « Je sais que tu continues l’œuvre admirable qui t’occupe depuis le début : c’est toi qui a la part la plus ingrate. » Lettre du 24 avril 1915. Ou encore il envoyait à son frère ces paroles de réconfort : « Tu es aussi utile à Vienne qu’au front. » Dans une de ses lettres, Henry demande qu’on lui envoie sa blague à tabac et du papier pour écrire…

Une correspondance suivie s’était établie aussi avec son frère Jean, caporal, qui, lors de la mort d’Henri, leur frère aîné, lui écrit avec émotion et tristesse. J’ai relevé certains fragments de ses lettres :

« Notre frère est mort de la plus belle mort qui puisse être. » Henry faisait partie du 1er Régiment d’Artillerie Lourde, responsable de canons à courte portée.

« Je n’oublierai jamais que j’ai un frère à venger. »

« Demain une messe est célébrée pour les morts du 99ème régiment, j’y prierai pour notre brave Henry. »

« Quand donc pourrons-nous voir les Boches déguerpir devant nous ? »

« J’ai besoin d’un peu de galette pour l’arrosage des galons. »

« Je suis très content de mes poilus. »

« On suit avec impatience les succès russes et on espère bientôt la formidable offensive anglaise. »

Et puis, plus énigmatique :

« Tu recevras un petit rouleau. » Ou alors : « J’attends le résultat de mon petit envoi, peut-être ne seront-elles pas très bien à cause du mauvais temps. » De quoi s’agit-il ? De photos bien sûr ! Paul devait faire développer les rouleaux de pellicules que Jean lui envoyait. Déjà la passion de la photographie !

Et aussi avec l’affection d’un frère, Jean le sermonnait :

« Il faut que je te remonte un peu, on n’a pas idée de voir tout en noir comme toi. »

« Il ne t’est pas permis comme nous de venir combattre, mais n’oublie pas le rôle que tu remplis à Vienne. »

Enfin la victoire ! Une carte postée le 11 novembre 1918 fait dire à Jean : « Un jour qui comptera dans l’histoire du monde. » Assurément !!!

Madame Dupin de Bagnols lui écrit ces mots magnifiques en 1916 :

« Les infirmiers qui, comme toi savent panser les blessures du corps, mais qui trouvent aussi un peu de baume réconfortant pour les pauvres cœurs brisés et malheureux. »

Son action, en tant que résistant pendant la guerre de 39-45

Paul BRESSE s’engagea dans le mouvement de la Résistance de novembre 1941 à septembre 1944. Dès 1941, il organisa un groupe de Pré-résistance à Vienne : « Les Amis des temps Nouveaux », dont le chef était l’Abbé Tenard de l’Institution Robin.

Stanislas Fumet a très bien résumé son engagement en lui remettant l’attestation suivante en décembre 1945 :

« C’est l’esprit de résistance de Temps Nouveau qui l’avait séduit. Nous faisions alors de l’anti-collaborationnisme assez peu déguisé et la lettre de Paul Bresse m’avait fait comprendre qu’il était, lui aussi, dès cette époque, un patriote réfractaire à l’esprit que Vichy essayait de faire régner en zone dite libre. »

Paul Bresse s’est occupé très activement de la diffusion de « Témoignage Chrétien » dont le chef à Lyon était le Colonel Rémy. Il a fait plusieurs liaisons de Vienne à Paris en passant la ligne de démarcation en fraude. Il diffusait également des Communiqués de Radio Vatican.

Il était membre de la Section Franc Tireur n°6, son nom de résistant était Humulus.

Pourquoi Humulus ? Que ce nom évoquait-il pour lui ?  C’est probablement une référence à « Humulus le Muet », comédie de Jean Anouilh et de Jean Aurenche, saynète écrite en 1939.

Paul connaissait Jean Aurenche pour avoir été son collaborateur sur un film documentaire « Royaume et Empire du Rhône » en 1927. J’y reviendrai plus loin.

Une attestation du Mouvement de Libération Nationale, signée de Jean-Roger Guichard témoigne de son engagement et des responsabilités assumées : « Paul Bresse, Franc Tireur section 2, s’est occupé de la diffusion de la presse clandestine de novembre 1942 à Août 1944, il faisait circuler les parutions de : Temps Présent, Temps Nouveau, Position, Radio Vatican et Témoignage Chrétien. ».

En août 1944, il rejoint la Défense Passive de Vienne, résistance organisée dans la retraite des armées allemandes. A ce titre il a été chef d’équipe de cette Défense pour le déminage du Pont Saint-Cenis de Vienne.

En septembre 1944, le chef de liaison de la Défense Passive de Vienne, Monsieur Pellet, lui délivre un laissez-passer pour visiter les immeubles sinistrés pour un secours immédiat.

Il est autorisé à circuler librement, en vélo par une attestation des Forces Françaises de l’Intérieur. Il avait un laissez-passer pour sourds, brassard avec bandes jaune et blanche, considéré comme infirme sourd-muet, attesté par un certificat médical. Il jouait de son élocution déformée pour se faire passer pour « débile » devant les allemands…Il avait appris  et leur répétait en allemand: « Ich bin taub », ce qui signifie : « Je suis sourd. »

Vie de famille et lieux de vie

Paul BRESSE s’est marié le 2 novembre 1945 (à 54 ans) avec Antoinette, Marie ODIER (30 ans) que l’on appelait  Ninette ou Nine.

Vienne et Genève. Il y avait un lien entre ces deux villes, un lien qui est devenu un amour…

Antoinette ODIER était orpheline de mère depuis sa naissance en 1915. Son père, Charles ODIER, éminent neuropsychiatre dont la biographie existe sur Wikipédia : Charles ODIER

Charles ODIER s’était remarié en 1929 avec Ilse Loebel, veuve de Jules RONJAT, cousin très éloigné de Paul BRESSE. Il était linguiste, docteur ès lettres, spécialiste de la langue d’Oc. Il a travaillé pour l’Université de Genève et était membre du Félibrige, cette association fondée en 1854 qui œuvrait pour la restauration de la langue provençale, la sauvegarde de la culture et de l’identité des pays de langue d’Oc. La biographie de Jules RONJAT (1864-1925)  qui est né à Vienne, est aussi sur Wikipédia : Jules RONJAT

Paul savait le provençal, lisait « Mireille » de Mistral. C’est par son intermédiaire que Ninette et Paul ont été présentés.

A la libération, Ninette et Paul se sont retrouvés à Paris. Ils habitaient un petit appartement au 8 de la rue Blomet (voisins de Simone de Beauvoir et de Jean-Paul Sartre qui logeaient quelques numéros plus loin). Trois enfants sont nés : Antoine en 1946, Anne en 1948 et Corinne en 1950.

C’était le Paris d’après-guerre, le quotidien était difficile : cartes d’alimentation pour obtenir les denrées de base, pénurie de charbon, coupures d’électricité… Mais Paris revivait et Ninette nous a raconté bien souvent combien elle a aimé cette vie à Paris. Elle déambulait avec ses trois enfants dans tous les quartiers, Antoine sur son tricycle, Anne debout sur le marchepied de la poussette où dormait Corinne ! Dans le salon de l’appartement, Paul dessinait ses plans sur une immense planche à dessin, comme dans tous les logements où nous avons habité.

En 1954, le père de Ninette étant malade, toute la famille est partie habiter à Vernand dans le canton de Vaud en Suisse. Séparé d’Ilse Loebel, Charles ODIER vivait avec Germaine GUEX, psychanalyste. Nous habitions une belle et grande maison avec jardin. Malheureusement Charles ODIER est décédé et nous avons déménagé à Lausanne dans une maison locative, Germaine GUEX, psychanalyste s’est installée au premier étage dans un appartement où elle recevait ses patients, et nous au troisième étage sous les toits. Paul avait un bureau avec comme toujours une immense planche à dessin et des rouleaux de calque entreposés partout.

En 1959, retour en France ! Paul voulait un enseignement français pour ses enfants… Mais il y avait une autre raison à ce déménagement : Ninette se rapprochait ainsi de sa famille installée à Genève. Nous habitions une villa à Gaillard tout près de la frontière suisse et de Genève où le tram 12 nous amenait depuis la douane. Ninette avait hérité de son père d’une Peugeot 203; c’était l’occasion de passer le permis de conduire, Paul ne conduisant pas.

Durant toutes ces années, l’appartement de la rue Blomet était toujours prêt à accueillir Paul qui travaillait avec des associés établis à Paris. Il y faisait de longs séjours pour son travail, effectuant la plupart du temps ses trajets en avion. Il a même volé dans la Caravelle, et s’est trouvé une fois assis à côté de Charlie Chaplin ! Nous nous rendions fréquemment à Paris dans la 203, avec Ninette au volant : elle avait la nostalgie de Paris, Lausanne n’étant pas aussi attractive et vivante…Heureusement qu’il y avait les bateaux à aube du Léman pour faire la traversée Lausanne-Evian pour respirer, non pas l’air du large du lac, mais un peu de la France en rapportant des sucettes Pierrot-Gourmand !

Dans tous les logements que nous avons habités, petits ou plus spacieux, Paul avait son bureau. C’était une priorité pour qu’il puisse travailler, dessiner sur une immense planche à dessin couverte de calque. Il possédait bon nombre de magnifiques porte-mines, affûtés, réglables, que nous n’avions pas le droit de toucher, de glisser dans notre trousse d’école ! Il avait des règles aussi, des droites, en bois, en métal, des courbes aussi : oui, des règles courbes, c’est surprenant ; pourtant je possède encore ces formes de bois vernis qui permettaient de tracer des courbes différentes. Ainsi que son T et son équerre d’architecte. Il écrivait les légendes de ses plans avec des chablons, calibres en plastique orange qui proposaient toutes sortes de caractères. Mais pas autant qu’en propose aujourd’hui la police de nos ordinateurs !

Fin de vie et sa mémoire à Vienne (Isère)

Paul BRESSE est décédé le 19 juillet 1973, à l’âge de 82 ans. Il a été enterré au cimetière de Gaillard en Haute Savoie, son dernier lieu de vie. Une messe a été dite ce jour-là par son neveu Michel, prêtre, fils de son frère Jean.

Antoinette, son épouse, décédée le 31 août 1983 a également été enterrée au cimetière de Gaillard.

Actuellement une urne commune contenant leurs cendres est entreposée au colombarium du cimetière.

Paul a toujours été très attaché à la ville de Vienne, la ville de son enfance, son lieu d’accueil pendant les 2 guerres, et il s’est passionné pour ses vestiges romains.

Je dois probablement mon deuxième prénom, Blandine, à la colline Ste Blandine qui surplombe la ville.

Une rue de Vienne porte son nom : rue Paul BRESSE. Dès 2004, André HULLO, conseiller municipal en charge du patrimoine et président de la Société des Amis de Vienne, est à l’origine de cette dénomination. En 2007, le panneau « Rue Paul BRESSE » est apposé aux extrémités d’une voie délimitée par le « Cours Verdun » et la « Rue Francisque CHIRAT » d’une longueur de 75m. Simultanément, une autre rue est baptisée « Rue Jules RONJAT » : elle est délimitée par la « Rue Paul BRESSE » et la « Rue Emile Romanet ».

Corinne et Anne-Sylvie devant la pancarte de la rue Paul BRESSE à Vienne